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Les lanceurs d’alerte : les nouvelles figures de l’ordre mondial ?

  • Florian
  • 14 mars 2020
  • 3 min de lecture

Le 6 février 2020, Juan Branco publiait « Assange. L’anti-souverain », plaidoyer dans lequel il revient sur le parcours d’un homme qu’il a étroitement conseillé durant de nombreuses années : Julian Assange. Cet homme, à l’origine de Wikileaks, est aujourd’hui au coeur de controverses, s’imposant d’après les mots de son ancien conseiller juridique comme « la nouvelle figure de l’ordre mondial ».

Ces dernières années ont été marquées par la prolifération de scandales ébranlant les fonctions régaliennes de nos démocraties. Pour autant, ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Ainsi, les années 70 aux Etats-Unis ont été riches en révélations affaiblissant la puissance américaine alors en pleine guerre froide. Dès 1971, les « Pentagone Papers » ébranlent l’exécutif américain alors enlisé au Vietnam. Ces documents remettent en question leur intervention. Trois ans plus tard, le numéro 2 du FBI, W. Mark Felt révélait au Washington Post le scandale devenu célèbre du Watergate qui mena le président R.Nixon à la démission en 1974. Les lanceurs d’alerte s’inscrivent dans une démarche risquée au profit de l’intérêt général quitte à compromettre les fonctions les plus stratégiques de notre monde.


Mais, la révolution numérique a profondément redéfini le rôle de ces lanceurs qui ont accès à des données souvent mal protégées, facilitant ainsi leur divulgation. Le secret d’Etat au XIX ème siècle est donc dépendant de la robustesse du système informatique qui permettra ou non de protéger des données parfois vitales à l’exercice du pouvoir. Devenu un enjeu stratégique, les données secrètes alimentent une véritable guerre numérique entre les Etats. On parle même de cyber guerre dont les hackers s’imposent en soldats.


Wikileaks créée en 2006 par l’australien Julian Assange est l’archétype de la modernisation des lanceurs d’alerte qui peuvent asseoir leur puissance sur cette plateforme où le contenu libre d’accès a un écho mondial. Cette démarche a notamment été mise en perspective par la journaliste Lauras Poitras qui a réalisé un documentaire édifiant sur le vie de Julian Assange en 2016 : « Risk ». Les lanceurs d’alerte restent parfois dans l’ombre pour mieux se protéger des menaces auxquelles ils s’exposent. On soupçonne ainsi, les Russes d’être à l’origine du piratage des mails démocrates durant la campagne présidentielle américaine en 2016. L’influence des révélations ont eu des répercutions concrètes sur le processus démocratique laissant pleuvoir les accusations d’ingérence envers la Russie qui a toujours nié en bloc ces accusations.


Les « whistleblowers » (lanceurs d’alerte en anglais) se révèlent être des régulateurs redoutables dans le secret d’Etat, même si leurs pratiques conservent des limites dans la mesure où les révélations peuvent alimenter des intérêts purement politiques.


De plus, avec l’ascension d’internet, les Etats sont en mesure de collecter des masses de données sur leurs propres citoyens, appliquant une surveillance sous prétexte de garantir la sécurité nationale face, en particulier, à la menace terroriste. Mais, ces pratiques, longtemps gardées secrètes, ont émergé au grand jour laissant transparaître une violation systématique de notre vie privée. Edward Snowden est à l’origine du dévoilement d’un programme d’écoute généralisé en Amérique par la NSA en 2013. Il revient sur ses révélations dans un livre auto-biographique « Mémoire vive » (2019) dénonçant les différents gouvernements qui ont toléré ces pratiques au nom de la lutte anti-terroriste.


En 2018, un autre scandale d’envergure éclate à travers les déclarations de Christopher Wylie : c’est la chute de Cambridge Analytica. Cette entreprise créée par des proches de D.Trump (Steve Banon et Robert Messer) a extorqué des milliers de données sur plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook. A travers une analyse de données, elle délivrait à leurs clients une stratégie publicitaire très précise pour influencer l’opinion publique. Dans son livre « Mindfuck » (11 mars 2020), C.Wylie revient sur l’implication de la société dans plusieurs élections comme celle de Trump en 2016 ou encore la campagne du « leave » pour le Brexit qui avait consacré 40% de son budget à C.Analytica. Ces « fuites » remettent profondément en question notre démocratie qui s’apparente plus ici à un jeu d’influences.


L’intérêt porté à ces lanceurs d’alertes est tel qu’ils sont en grande partie obligés de s’exiler de leur pays pour fuir la menace. Cette volonté de faire taire ceux qui contribuent à protéger l’intérêt du peuple a notamment poussé Edward Snowden à rejoindre la Russie ou J.Assange à se réfugier dans l’ambassade de l’Equateur durant 7 ans!


Il est cependant intéressant de constater que ce phénomène est amené à s’intensifier avec le développement d’internet. Ces héros vont continuer d’attirer la reconnaissance tout en s’exposant de manière récurrente aux menaces des Etats qui se voient de plus en plus contestés. Ils sont devenus des acteurs incontournables dans le nouvel ordre mondial. Le réalisateur Bill Condon en 2013 dans son film « Le Cinquième pouvoir » accorde toute son importance à Julian Assange et le place au même niveau que les autres pouvoirs.


Florian CHEVALIER

 
 
 

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